Autoroute

23 juin 2008

La sonorisation me masse les tympans. Les rythmes que j’entends m’évoquent un macadam, convoquent un long ruban, invoquent l’en-avant, et m’appellent à la route au creux du haut parleur. L’air ambiant se compacte.

Alors, parmi l’étendue de pulsations, naissent les contours abrupts de l’autoroute. Les battements insistent et se rigidifient, et je suis mécanique, lancé sur voie express.

Et je suis mécanique et tendu vers un point qui fuit vers le lointain, qui s’en va régulier, comme une perspective calquée sur l’évidence.

Canonné sur la double voie.

Ma poursuite automate ignore les bas-côtés, ignore le panorama imberbe et sombre, se contracte vers la seule issue possible : droit devant, le centre de l’horizon.

Au sol, les lignes blanches invariables défilent à sens unique et clignent de vitesse. Un décor d’asphalte stroboscopique, segments intermittents, dont les rythmes binaires participent au mouvement.

Et je suis mécanique, et le monde s’est tu. Jeté toujours plus loin, je perce l’air solide. je n’adhère plus à rien tant le vent est fendu. Je gagne du terrain, arraché à la terre que je devine aride, que je ne palpe plus.

Et je suis mécanique et réalise alors. Ma course m’a mené au revers du lointain. La ligne d’horizon désormais se déploie dans mon dos, et je m’en éloigne encore, tant que les pulsations me portent vers l’avant.

Déclamé sur les ondes de Radio Accords, puis au Café Bleu, le 21/06/08

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